Les éléments basiques de l’environnement total

Un art ludique, participatif et créatif

Les éléments basiques de l’environnement total« Les mondes parralèles » © Photo : Marc-André Gagné

MES ŒUVRES ET LEURS DIVERSES PHASES
De 1966 à 1975 (c’est-à-dire durant 10 années), j’ai conçu et réalisé, en tant que maître d’oeuvre, 15 événements-environnements

  • Ces productions se subdivisent en trois étapes :
    • les environnements intégraux (ludiques);
    • les événements de conscientisation (contestateurs);
    • les avènements de libération (créatifs et festifs).

UNE ÈRE NOUVELLE

À ce moment précis de l’Histoire nous participons à la naissance d’une culture ouverte, d’une culture active. Ce sera l’avènement d’une nouvelle ère culturelle.

UN ART TOTAL

  • Ensemble d’actions intégrales d’implication métaphysique, l’art environnemental    est un drame humain qui s’adresse à l’Homme Total, à tous ses sens, à toutes ses facultés créatrices.
  • Il fait naître une intelligence collective menant à des comportements qui engendrent une œuvre globale.
  • Favorisant une expansion, il entre sur les terrains de l’activité sociale, de l’engagement politique et de la démocratie.
  • Il rejoint alors la vie dune communauté, en s’intégrant au cœur du vécu quotidien au sein d’une nouvelle nature urbaine.
  • L’art s’insère ainsi intégralement dans l’histoire d’une société.
  • Cela engendre un nouvel art de vivre.

AGRANDISSEMENT DU CHAMP DE L’ART

  • Ici, la pratique artistique devient architecture éphémère et rejoint l’urbanité.
  • Utopique, elle laisse présager ce que les gens d’un peuple désireraient vivre en permanence dans nos cités contemporaines.
  • L’art envahit ainsi le champ de la culture dans son ensemble.

UNE CULTURE NOUVELLE

  • La création d’environnement est une transformation de la nature en culture, favorisant l’avènement de lieux artificiels.
  • Le créateur s’aventure ici dans un monde de plus en plus culturel, c’est-à-dire fabriqué d’esprit et de main d’homme.

HORS LES MURS

  • L’art engendre l’éveil d’une conscience populaire, s’exerçant au cœur du milieu de vie, dans différents quartiers de Montréal tels le Plateau-Mont-Royal et Ahuntsic. Il se métamorphose en art public, communautaire et populaire - dans le sens qu’il implique, toutes les couches sociales.

UN UNIVERS MULTIDIMENSIONNEL

  • Inter et multidisciplinaire.
  • Art visuel prioritairement, il emprunte à plusieurs disciplines (architecture, fête, théâtre, cirque, musique, communication, animation sociale et culturelle, dynamique de groupe, démocratie, etc.).

Rupture

  • Rejet des critères de la modernité (notion de pureté, de planéité).
  • Questionne l’Art avec un grand A.
  • Refus des normes conventionnelles et répressives (artistiques, culturelles, sociales).
  • L’artiste sort de son isolement.
  • La mixité des genres, des époques, des disciplines.
  • Naissance de la postmodernité.

NOUVELLES ALLIANCES

  • Union intime entre l’art, la science, la technologie et l’existence quotidienne.
  • Fusion de la culture savante et de la culture populaire.
  • Ainsi, l’art se fait vie.
  • L’art environnemental entre en concordance avec les théories de la relativité, de la mécanique quantique, de la téléportation.
  • Apparition de sculptures virtuelles originales, tels un simulateur de vol cosmique, un radeau de l’espace nommé « Trans-ère », des véhicules interplanétaires, un écran de téléportation.
  • Futuribilia engendre le premier village cybernétique
  • Les grandes découvertes scientifiques du XXe siècle sont présentes dans cet environnement.
    • la mécanique quantique (tout est ondes et corpuscules, la non-séparabilité de tout l’existant, l’interactivité générale, etc.);
    • a relativité (la pensée crée l’action qui transforme la matière, cette dernière est énergie, elle façonne l’espace-temps, la courbure de l’espace, etc.);
    • la téléportation (instabilité de spatio-temporelle, les corps, les objets se désagrègent pour se transporter ailleurs, etc.).

CRÉATION D’UN NOUVEAU LANGAGE

  • Composé de pictogrammes et d’idéogrammes, il s’inscrit dans une longue tradition qui remonte au prélangage.
  • Il se situe au-delà des langues et des nationalités.
  • Il se traduit à travers 3 constituants primordiaux : la structure de base, la planification des éléments de la mosaïque dans l’espace, la programmation rythmique et sensorielle dans le temps.

OBJECTIFS PRINCIPAUX

  • Créer des liens singuliers qui engendrent la participation et la création, en vue d’une totale réalisation de soi.
  • Faire naître ainsi un individu nouveau dans un « monde autre » (une société émancipatrice et libératrice).
  • Favoriser la personnalisation dans un monde de consommation de masse aliénant et homogénéisant.
  • Collaborer à la naissance du Québécois, à une époque où notre peuple sort de la colonisation anglaise et se met en quête de son identité.
  • Ces œuvres environnementales aspirent célébrer l’existence d’un être humain plus libre, plus responsable et qui a foi en ses multiples potentialités.
  • L’art ne préfigure-t-il pas ainsi une ultime présence au monde.

UN ART VIVANT

  • Axé sur l’esprit et l’agir humain, il réalise passage de l’objet d’art au sujet d’art.
  • Comportements, attitudes, activités, expérimentations, gestes et actions, deviennent matière première de l’art.
  • Favoriser l’expérience, voire l’apprentissage du vécu en mettant l’accent sur le processus de l’œuvre, de même que sur la rétroaction (feedback) de l’événement.
  • Conception et réalisation de vastes fresques vivantes animées, à travers une suite de performances d’une communauté.
  • On assiste ainsi aux premières manifestations d’un immense collectif de créateurs québécois sur la place publique.
  • Le tout se transforme en un art et une science de mise en scène de la vie d’un peuple.

RÉVOLUTION DU SPECTATEUR

  • Œuvres axées sur l’interaction, la participation, la cocréation la création, qui ont engendré une grande révolution.
  • Dans l’art environnemental chacun devient acteur, coauteur, voire créateur de son propre rôle, dans ce segment artistique comme dans la vie.

UN ART PRAGMATIQUE

  • À la fois utile et humain, c’est-à-dire ancré dans le quotidien, afin d’être à la recherche du mieux-être d’une communauté.
  • Un art au service d’une société qui s’est déshumanisée et qui s’est dissociée de la nature.

INSTAURATION DE NOUVELLES RÈGLES ARTISTIQUES

  • Nous agissions ainsi, à l’heure de l’apparition de l’art contemporain, qui coïncide avec l’émergence de notre révolution tranquille.
  • Établissement de nouvelles normes intimement liées au processus de l’expérience humaine.
  • Paradigmatiques. Ces règles novatrices font partie des archétypes du monde actuel.

LES EFFETS DE CES CAUSES

  • Démocratisation de l’art.
  • Désinstitutionnalisation (pour une institutionnalisation nouvelle).
  • Cette forme d’expression a provoqué un questionnement profond sur la nature et la finalité de l’œuvre d’art.
  • De plus, elle fut l’amorce, en arts visuels, d’un art spectacle pratiqué aujourd’hui par les plus grands musées de la planète.
  • Dans une grande époque d’effervescence, cet art de la mise en scène devient donc un des moyens les plus dramatiques, les plus efficaces pour transmettre une pensée, voire une vision du monde.

UN THÉÂTRE DE LA VIE

  • En tant que symbole de la réalité, il rejoint la mentalité du théâtre des origines. Il dramatise la vie de l’Homme en situation, dans un « lieu où une action se joue », un milieu où se déroulent des activités humaines dans différentes conditions d’existence.

UN RETOUR AUX SOURCES

  • À l’origine, l’art faisait partie intégrante de la vie.
  • La création fut la source même de l’évolution de l’Homme.
  • En ces temps immémoriaux, l’imaginaire densément vécu ritualisait le quotidien.
  • En passant de la préhistoire à la civilisation, l’humain a graduellement fractionné l’existence, au point de se désolidariser de l’univers. Aux temps anciens, les individus vivaient en harmonie avec les êtres et les choses qui les entouraient.J’ai donc cru qu’une régénérescence s’imposait, qu’il fallait redécouvrir l’enchantement des premiers matins du monde en célébrant des actions quotidiennes douées de sens.

MISE EN COMMUN

  • Ce sont des oeuvres axées sur la communion entre les êtres humains.
  • Basées sur l’expressivité, l’affectivité, la subjectivité, la solidarité, l’égalité; le tout aspirant aboutir à l’émancipation, la libération, la création d’une société érigée par tous.
  • C’est un art d’intervention et d’engagement vécu en partenariat avec des mouvements communautaires.
  • Il a pour intention de créer de nouveaux réseaux de communication.

ARCHÉTYPES PRIMORDIAUX

  • Cette participation à l’environnement a permis d’insérer des non-artistes dans la production d’une œuvre d’art.
  • Cela s’est concrétisé, par le fait de mettre entre les mains des gens d’un quartier de vie de Montréal, le soin d’assurer la réalisation d’un événement artistique de grande envergure nommée « Ahuntcirque ».
  • Cet avènement concourt à initier, en direct, ce que Marcel Rioux appelait la « révolution de la quotidienneté ».
  • Issues de nouveaux sites performatifs, ces œuvres font partie de l’origine des cybermondes. Elles ont contribué aux trois principales tendances qui ont donné naissance à cette réalité : les nouvelles technologies (la cybernétique en particulier), l’art relationnel et les actions citoyennes vécues au quotidien au sein des environnements dramatiques du théâtre de la vie.
  • L’espace public intégral a, de plus, procédé graduellement à son grandissement dans des réseaux spatio-temporels virtuels.

HISTORIQUE

  • Ces œuvres font dorénavant partie de plus de quarante documents historiques (voir mon fonds d’archives).
  • Il est étrange de constater que des événements aussi éphémères aient – quarante années plus tard – transformé à ce point l’existence des Hommes.
  • Je crois que le franchissement du passage aux arts citoyens au cours de la modernité, pourrait s’avérer aussi important dans l’histoire de l’humanité que celui qui, à la Renaissance, vit les « arts libéraux » succéder aux « arts mécaniques ». Il s’est manifesté, en particulier au cours de la postmodernité, lorsque l’artiste s’est métamorphosé en citoyen du monde. Ainsi, l’artiste-artisan n’a plus œuvré uniquement pour les classes dirigeantes, mais il s’est mis au service du peuple tout entier. Le but de son agir, ne fut plus de créer de l’illusion à travers une fenêtre ouverte sur un récit (storia) pour temples ou palais, mais de favoriser l’immanence d’une fenêtre ouverte sur le monde et donc sur un univers réel, celui de la quotidienneté vécue par tous.

UNE VAGUE DE FOND COLOSSALE

  • Durant dix années, un nouvel esprit festif, participatif et créatif est donc né dans des environnements plastiques. Il a été amorcé par l’aspect ludique, invitant le public à interagir avec l’œuvre d’art.
  • Les diverses phases de ces événements, basées sur l’action, la performance, l’expérience et l’apprentissage, ont permis l’implantation d’un droit, voire d’un devoir de participation, dorénavant reconnu par les autorités sociales, politiques et artistiques. Cet état de fait a engendré un art citoyen, voire une démocratie participative.
  • Ainsi, tout un chacun a pris conscience que le monde peut être fait par, pour et avec lui.
  • Ce modèle se prolonge en ce moment dans divers mouvements sociaux de même que sur les multiples réseaux du Web 2.0, où les individus de toutes les classes de la société s’identifient, se racontent, renseignent, échangent, partagent, etc. C’est ainsi qu’ils se libèrent et qu’ils s’accomplissent.
  • En 2006, le magazine Time n’a-t-il pas reconnu « you », « vous » - c’est-à-dire l’ensemble des gens qui contribuent à forger notre univers -comme personnalité de l’année?
  • Aujourd’hui, la sociabilité soudaine des médias est révélatrice à ce sujet. Sur le plan de l’information, les citoyens sont dorénavant invités à participer à la confection des quotidiens, de même qu’à rédiger les contenus des sites Internet de grandes entreprises. C’est le cas, par exemple, du « Times » de Londres, de Facebook, de Wikipédia…
  • Au sein d’univers sociaux en mutation, nous avons assisté à un grand virage de la démocratie.
  • Les clivages et la communication unidirectionnelle ont fait place à d’authentiques temps d’échanges et de collaboration de la part de tous.
  • Des artistes reçoivent de nos jours des subventions du Conseil des arts du Canada, pour leur implication auprès de leurs communautés.
  • Ainsi, c’est la puissance créatrice et l’engagement d’un peuple dans son entité, qui, maintenant, transforment le cours de l’histoire.
  • Le destin de l’humanité, voire sa survie repose désormais entre les mains de la collectivité tout entière, et cette voie est sans retour.

Maurice Demers
(2008 - 2009)